« De la nouvelle Miss Harriet à l’opérette Miss Helyett » (p.27-49), Noëlle Benhamou, docteur ès lettres, professeur, chargée de cours à l’I.U.T de l’Oise, Université de Picardie.
En 1883 paraît la nouvelle « Miss Hastings », rebaptisée « Miss
Harriet » en 1884. Dans ce récit émouvant et tragique, une vieille
Anglaise excentrique aime un jeune rapin et se suicide en se jetant dans un
puits. Quand Maxime Boucheron et Edmond Audran annoncent en 1890 la création de
leur opérette intitulée Miss Harriet, Maupassant leur enjoint de changer
de titre. Miss Helyett offre de grandes similitudes avec la nouvelle de
Maupassant qu’elle parodie : une jeune Américaine tombe amoureuse d’un
peintre, qu’après bien des péripéties et une chute en montagne elle épousera.
Il s’agira d’étudier ce prolongement du récit maupassantien qui s’appuie sur
des éléments parodiques déjà présents chez l’écrivain normand.
« Les trahisons et les adaptations des œuvres de Maupassant dans les pays arabes » (p.51-66), Arselène Ben Farhat, Maître Assistant à l’Université de Sfax.
Nous allons nous intéresser à la réception de Maupassant dans le monde arabe et
tenter de définir les types de textes traduits et le profil des lecteurs
ciblés : quels sont les critères de choix des œuvres de Maupassant
traduites en arabe ? Pour qui sont-ils traduits ? Est-ce pour l’élite
ou pour le grand public ? Une telle analyse nous conduit à définir les
nombreuses modifications qu’apportent les traducteurs aux récits et nous amène
à cerner les raisons de telles trahisons : raisons idéologiques,
politiques, historiques, éditoriales et esthétiques : pourquoi plusieurs
œuvres de Maupassant traduites sont-elles condensées ? Pourquoi certains
passages sont-ils supprimés et d’autres ajoutés ? Pour quelles raisons les
titres, les préambules, les clausules et les noms des héros sont-ils le plus
souvent changés ? Comment peut-on reconnaître un récit de Maupassant quand
il est totalement modifié ? Nous montrerons que de telles manipulations et
de telles transformations dévoilent une volonté délibérée d’adapter et même
d’intégrer les textes de Maupassant au contexte culturel, social, religieux et
historique du monde arabe. Toutefois, certains traducteurs ne se limitent pas à
trahir l’auteur de Bel-Ami et à s’écarter de son univers romanesque et
de sa vision du monde, ils n’hésitent pas à inventer des œuvres et à les
présenter aux lecteurs arabes comme des textes de Maupassant. Une telle
supercherie littéraire implique « la démaupassantinisation » des
textes de notre auteur et l’effacement des traces de cet acte de
« désécriture ». Maupassant devient du coup un moyen de lutte
idéologique ; il est inscrit au cœur d’un combat dont il est totalement
étranger. L’analyse des récits traduits « La Venus de Paranise »,
« Gratitude » et le « Portrait » présentés comme des œuvres
de Maupassant alors qu’ils sont inventés par les traducteurs et l’étude d’Une
vie brisée (Une vie) et des Morts ne mentent pas (La Morte)
et d’autres textes nous permet de confirmer cette hypothèse de lecture.
« Maupassant-Bourget, quelques prolongements
romanesques » (p.67-82), Laure Helms, docteur de l’Université Paris X-Nanterre.
Les derniers romans de Maupassant ont été fréquemment rapprochés par
ses détracteurs de l’œuvre romanesque de son contemporain Paul Bourget, le plus
souvent dans le sens d'une sévère critique. Il s'agira donc d'examiner le
bien-fondé de ce rapprochement, en nous demandant également ce que l'auteur du Disciple
doit à Maupassant. Pour ce faire, nous étudierons notamment le cas de
trois romans de Bourget (Un cœur de femme, La Duchesse bleue, Le Fantôme),
dont certains aspects prolongent singulièrement l’œuvre de Maupassant.
« "Une femme que je n’avais pas vue depuis très longtemps" : Maupassant et Proust ? » (p.83-92), Anna Isabella Squarzina, doctorante à l’Université La Sapienza de Rome.
Rien de bien surprenant, dira-t-on, si dans les pages d’un roman ou d’une nouvelle une femme en
rencontre une autre qu’elle n’ait pas « vue depuis très longtemps » (I, 359). Mais si l’homme qui aime passionnément la première femme s’appelle Paul Baron, dans la nouvelle de Maupassant « La Femme de Paul », ou bien Charles Swann, dans Du côté de chez Swann, le drame est près d’éclater. C’est que Madeleine et Odette n’habitent pas seulement Paris, mais aussi ce règne secret et marécageux que Maupassant appelle de façon mythologique Lesbos, et que Proust nomme bibliquement Gomorrhe.
Si Maupassant n’apparaît pas de façon explicite dans la Recherche,
les « péchés de jeunesse » de ces deux femmes sont peut-être une clef pour découvrir la présence souterraine du nouvelliste par excellence dans l’œuvre proustienne.
« De la nouvelle à la bande dessinée : Battaglia lecteur de « Boule de suif » » (p.93-100), Thanh-Vân Ton-That, Maître de conférences à l’Université d'Orléans.
Dino Battaglia a adapté un certain nombre d'œuvres littéraires et notamment des nouvelles de Maupassant.
« Boule de suif » nous donne un exemple de réflexion sur les rapports
entre texte et image et sur la problématique transposition fidèle/risque de
trahison. C'est à la fois un travail de transposition, d'adaptation et de
relecture de la nouvelle. L'illustrateur en collaboration avec son épouse
découpe le texte, choisit certains passages, en supprime d'autres, change
l'ordre (dans les dialogues), ajoute du texte, le transforme parfois. Il met
l'accent sur les personnages (avec la part d'invention la plus importante), les
dialogues, le décor étant secondaire, en jouant sur les couleurs et la mise en
scène . Il insiste plus sur le contexte historique, social, politique et
militaire que sur la dimension métaphorique liée à la nourriture. Ce faisant,
il réécrit et réinvente à sa manière le texte de Maupassant.