Quand la serveuse lui rapporta la monnaie sur son billet de cent francs, Georges Duroy sortit du fast-food.
Comme il était beau gosse et qu'il portait bien l'uniforme des fusiliers marins, il se redressa, ajusta son béret, passa la main sur sa barbe de trois jours, retira sa vareuse afin d'exhiber ses nombreux tatouages, puis regarda les derniers clients avec l'oeil perçant du fauve qui cherche sa proie.
Des femmes le déshabillaient du regard : trois jolies étudiantes, une prof de musique d'une quarantaine d'années, avec un chignon surmonté d'une toque mitée, portant des lunettes d'écaille et un tailleur gris démodé, et deux sportives sexy avec leurs compagnons musclés, tous fidèles de ce lieu animé.
Une fois dans la rue, il resta planté là, ne sachant où aller. C'était le 21 juin, fête de la musique, et il n'avait plus que trois cent soixante francs sur lui. Il aurait bien du mal à boucler son mois. Cela représentait des repas du midi, sans rien le soir, ou vice versa. Le choix était simple : sachant qu'il mangerait le midi pour vingt francs au lieu de trente francs pour le soir, il devrait se contenter d'avaler un hamburger et un coca le midi ; avec le reste, il pourrait s'offrir une canette de bière le soir. Boire la nuit était, en effet, son occupation favorite ; et il traversa la rue Pigalle.