Renoir, La Liseuse
« Saint-Ferréol »

(Chronique)

Le Journal de Rouen, 21 juin 1885

Photomontage : invitation pour l'inauguration de l'exposition Maupassant et l'impressionnisme en 1993 à Fécamp

     Elle serait curieuse souvent à dire, l'histoire des corps des grands hommes. Et quelle ballade ferait un poète, un poète comme Victor Hugo, ou plutôt un conteur comme Edgar Poe, avec l'étrange aventure du cadavre de Paganini.
     Quiconque a parcouru les côtes de la Méditerranée connaît ces deux îles charmantes qui séparent le golfe de Cannes du golfe de Juan et qu'on nomme les îles de Lerins.
     Elles sont petites, basses, couvertes de pins et de fourrés. La première, Sainte-Marguerite, porte à son extrémité, vers la terre, la lourde forteresse où furent enfermés le Masque de Fer et Bazaine ; la seconde, Saint-Honorat, dresse dans les flots, à son extrémité, vers la pleine mer, un antique et superbe château crénelé, un vrai château de conte poétique bâti dans la vague même, et où les moines autrefois se défendirent contre les Sarrazins, car Saint-Honorat appartint toujours à des moines, sauf pendant la Révolution ; elle fut achetée alors par une actrice du Français.
     A quelques centaines de mètres au sud-est de l'île on aperçoit un îlot tout nu, presque à fleur d'eau, Saint-Ferréol. Ce récif est singulier, hérissé comme une bête furieuse, si couvert de pointes de roc, de griffes de pierre qu'on peut à peine marcher dessus : il faut poser le pied dans les creux, entre ces défenses, et aller avec précaution.

GUY DE MAUPASSANT



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