1891, 1892, 1893,
1894, 1895.
- Samedi 9 janvier 1892
M. Guy de Maupassant
M. le docteur Meuriaux (sic), directeur de la maison de santé du docteur Blanche, a fait à un rédacteur du Rappel les déclarations suivantes au sujet de l'état de M. de Maupassant :
- Me retrancher derrière le secret professionnel n'est plus possible ; vous connaissez l'état de M. de Maupassant, vous savez qu'il est ici ; ce serait puéril.
Voici mon impression. L'état du malade est grave, très grave, mais je ne puis encore donner un diagnostic certain.
M. de Maupassant est un mélancolique, la chose ne fait pas de doute, sa tentative de suicide le démontre d'une façon irréfutable. Vous allez me demander si je crois à la guérison. Comme je viens de vous le dire, je ne puis rien vous affirmer pour le moment. Ce genre de maladie cérébrale a besoin d'être examiné à plusieurs reprises. Ce n'est qu'après des examens longs, nombreux et minutieux, que je pourrai diagnostiquer avec une certitude presque complète.
Lorsque notre pauvre malade est arrivé ici, il était dans un état de prostration complète, auquel ont succédé de violentes crises, au cours desquelles il est devenu tout d'un coup furieux : il s'efforçait de briser tout ce qui se trouvait autour de lui.
J'ai interrogé les personnes qui l'ont approché depuis sa maladie. Les accès du genre de ceux dont je viens de vous parler sont chez lui si terribles que des ordres sont donnés pour que plusieurs domestiques de la maison soient constamment attachés à sa personne ; ils ne doivent naturellement pas le perdre de vue un instant.
À mon avis, sa folie date au moins de deux ans ; le mal a germé lentement, et, maintenant, il se montre dans son affreuse réalité.
Je n'attribuerai pas cette folie (pas subite) à un excès de travail. M. de Maupassant, que je connais depuis longtemps, ne se surmenait point, comme certains l'ont dit : il travaillait à ses heures, entrecoupant ses travaux de voyages en mer, de promenades, etc.
Qui sait si le surmenage n'aurait pas été un bien, un préservatif pour lui, le mélancolique qui, sur son yacht le Bel Ami, se laissait aller à de longues et néfastes rêveries.
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