ARTICLES BIOGRAPHIQUES

de L'Eclair




1891, 1892, 1893, 1894, 1895.




- Mardi 7 février 1893

GUY DE MAUPASSANT

     On lit dans le Gaulois :
     Nous avons vu, hier, un des amis de Maupassant à qui nous avons demandé des nouvelles de l'infortuné romancier.
     - Mauvaises, très mauvaises nouvelles, nous a-t-il dit. Son état s'est beaucoup aggravé depuis plusieurs jours et les rares moments de lucidité que Maupassant avait, il n'y a pas bien longtemps encore, ne se produisent plus. Le pauvre cher écrivain n'a plus la connaissance du monde extérieur ; son cerveau est inerte, sa belle intelligence d'autrefois est à jamais éteinte, et pour me servir d'une expression juste et triste à la fois, sa pensée est dans le « noir ».
     On a essayé, ces jours-ci, de galvaniser en lui la fibre intellectuelle, peine perdue.
     - Alors, c'est la fin dans un délai très rapproché ?
     - Il m'est pénible d'envisager cette cruelle éventualité et surtout de répondre à votre question. Tant qu'il reste un souffle de vie chez un malade, on peut, on doit toujours espérer.
     - Est-il exact que la paralysie générale ait fait de rapides progrès ?
     - Hélas ! oui. Essayer de se retrancher derrière des réticences et des réponses évasives, ce serait nier l'évidence. Oui, je le dis, la gravité de la situation est telle qu'il faut s'attendre, d'un jour à l'autre, à une catastrophe.
     Et dire que la Comédie-Française vient de mettre en répétition la Paix du ménage, que nous aurions tant de joie à applaudir, le soir de la première représentation, si Maupassant pouvait y assister. Le malheureux ne sait pas, à l'heure actuelle, que les personnages sortis de sa brillante imagination vont bientôt vivre en « chair et en os » sur la première scène du monde.
     [Article rabouté]
     D'autre part, on lit dans le Journal :
     Un de nos confrères du matin annonçait, hier, que l'état de Guy de Maupassant était désespéré : « Les jours du charmant écrivain, disait-il, sont maintenant comptés. Il arrive au dernier degré de la paralysie générale. »
     Nous sommes allé dans l'après-midi rendre visite au docteur Meuriau [sic] le distingué praticien, directeur de la maison de santé du docteur Blanche, où Maupassant est, comme on le sait, en traitement.
     L'état de santé de Maupassant est-il tel que le dit un journaliste du matin ?
     - Mais non, c'est absolument faux, démentez.
     J'ai vu l'écho dont vous me parlez. Je puis vous affirmer que la bonne foi de votre confrère a été surprise ; l'état du célèbre écrivain est le même qu'il était il y a six mois.

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