*Portrait : « Le professeur Potain était l'antithèse vivante de Charcot [...]. Sa bonté raffinée s'étendait, de sa famille et de ses amis, à ses clients, à ses élèves, aux inconnus [...]. Chacune de ses journées était occupée : le matin par l'hôpital, l'après-midi par une trentaine de visites qui remplissaient son petit calepin noir, de rendez-vous à son domicile boulevard Saint-Germain, en face de Charcot ; le soir, par un rassemblement d'observations et de notes prolongé jusqu'à une heure et demie, deux heures de l'aube. Il gagnait ainsi beaucoup d'argent, mais il en distribuait bien davantage [...]. Avec cela, il était d'une petit santé, d'un physique souffreteux, à la fois sublime et ingrat qui l'apparentait à Pascal et à Erasme. De chaque côté de son grand nez, ses yeux divergents, globuleux et pleins de pitié se conjoignaient pour observer son consultant, pour pénétrer au fond de ses cryptes, dans ses replis les plus secrets. Sa voix basse et douce effleuraient le secondaire, résumait le principal, réconfortait, rassurait. Ses oreilles avaient la courbe de l'auscultation. Ses mains, assez fortes, étaient satinées et habiles, écartaient la chemise ou la chemisette avec une adresse de chambrière. Au chevet des agonisants, le docteur Potain devenait immatériel, impalpable, tel qu'une lueur de phare sur les flots. Combien ont disparu, emportant la vision angélique de cette héroïque laideur ! Une mère me disait : « Sa mère a dû pleurer à le regarder quand il était enfant. Mais quelle joie pour elle, dans le ciel, quand elle le voit faire aujourd'hui ! » [...] Le service de Potain était naturellement très recherché. Les meilleurs de la Faculté sollicitaient l'honneur de faire partie de cette clinique. » (Léon DAUDET, Souvenirs et polémiques, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 1992, p.165-166).
* Bibliographie :
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